J’ai eu l’idée de monter Un Songe de Nuit d’Été dans un parc ou une forêt il y a des années, peut-être 10 ans, bien avant de fonder Eat The Cake et bien avant de monter des spectacles avec des adolescents à la MJC de Crépy-En-Valois. Comme quoi, les rêves se réalisent un jour ou un autre si on continue à y penser et à guetter le bon moment, le moment propice.
Je croyais que ce moment propice était en 2019. J’avais un bon groupe, le bon nombre de jeunes pour bien répartir les rôles. Le directeur de la MJC, Lionel Vonck, était partant et me soutenait dans mon ambition de créer Un Songe de Nuit d'Été de Shakespeare en une version de promenade immersive à travers le Parc de Geresme, ce grand parc très beau et naturel juste à côté de la MJC. Mes collaboratrices chez Eat The Cake trouvaient aussi que c’était une très bonne idée et elles étaient prêtes à me soutenir dans la conception et la réécriture de la pièce. On avait bien commencé les répétitions et puis le Covid et le premier confinement a mis fin à mon rêve … Mais il ne m’a pas quitté pour autant et je savais qu’un jour, l’opportunité se présenterait de nouveau. Et c’est tout à fait ce qu’il s’est passé.
En 2021, le Covid était toujours présent mais mieux appréhendé. Les gens ont commencé à se faire vacciner et les cours en présentiel ont pu reprendre. J’avais le bon nombre de lycéens, un groupe très soudé, très talentueux, certains qui suivaient mes ateliers de théâtre depuis 6 ans. Je les ai vu grandir et s’épanouir, sur le point de partir pour commencer leur vie de jeunes adultes. Puis j’ai un bon groupe de collégiens aussi. Jeunes et dynamiques, un peu difficiles parfois car un peu dispersés, mais avec beaucoup de potentiel et de volonté aussi. Je me dis que c’est la bonne année, je peux le faire, ils peuvent le faire.
J’aime Shakespeare et en particulier Un Songe de Nuit D’Été, pièce dans laquelle j’ai joué moi-même plusieurs fois. Mais forcément, cela se perd à la traduction. C’est sans doute pour cela, que je ne me suis pas gênée pour réécrire une bonne partie de la pièce pour la rendre plus actuelle, la réduire (il y avait beaucoup de texte à apprendre pour les lycéens, même après toutes ces coupes) et j’ai même dû rajouter un personnage, un rôle pour une jeune fille qui s’est inscrite dans l’atelier un peu tard (ironie de la chose, elle a arrêté de venir à quelques semaines des représentations et j’ai dû faire jouer son rôle par un autre jeune). Nous avions décidé avec Lionel de faire trois représentations de la pièce car je pensais nécessaire de restreindre le nombre de spectateurs à 50, pour pouvoir mieux les gérer lors de la promenade dans le parc. J’étais aussi contente qu’après tout leur travail, les jeunes allaient pouvoir jouer plus d’une fois.
C’était un vrai défi de mettre en scène cette pièce, pour moi et pour les jeunes, qui ont vraiment tout donné pour faire de cette pièce une réussite. Mais la veille de la première représentation, certains semblaient ne pas tout à fait connaître leur texte. D’autres n’avaient pas pu être présents pour les dernières répétitions et enfin, la météo annonçait un temps couvert et pluvieux pour le dimanche quand on devait jouer. Certes, on pouvait jouer à l’intérieur, d’ailleurs, la pièce-promenade commençait dans le théâtre et au cas où il pleuvait des cordes. Camille Aveline avait créé et préparé les lumières pour le faire en intérieur. Mais cela aurait été dommage.
Donc, je me forçais à garder la foi, à croire en la magie du théâtre et en le talent de mes élèves. À 7 minutes du début du spectacle, je me suis rendue compte que j’avais oublié la perruque de Thisbé et la lampe de Starveling chez moi. J’ai foncé en voiture car j’habitais à côté. Arrivée chez moi, je courais le long du chemin vers ma maison, et je suis tombée nez à nez avec une grande couleuvre. En temps normal, j’aime beaucoup les serpents mais en voir un comme ça, étendu sur mon chemin, alors que je suis en pleine course, adrénaline dans les veines, j’ai dû sauter un mètre en l’air en criant, pour éviter de lui marcher dessus. Mais j’ai continué ma course en repartant, le serpent n’y était plus. Je me suis dit, « c’est un bon signe, les serpents portaient chance au temps des romains ».
En effet, la première représentation s’est très bien passée. Le temps était clément, les jeunes comédiens se sont souvenus de leur texte et ils ont très bien joué. J’étais tellement émue de fierté et de bonheur à les voir s’amuser, et en même temps donner un spectacle formidable, que je pleurais comme une madeleine avec un sourire béat sur mes lèvres. Le parc nous a donné un cadre qui a sublimé le texte et le jeu de ces jeunes comédiens. Avec quelques ajustements, les 2ème et 3ème représentations étaient encore meilleures que celles qui les avaient précédées, même si à la dernière, une de mes élèves, celle qui jouait Hippolyte, a attrapé le Covid (encore lui!) et j’ai dû la remplacer au pied levé.
Les retours qu’on a eu des parents et des autres spectateurs étaient extrêmement élogieux. Mes élèves avaient un sentiment de fierté, d’accomplissement, ce sentiment qu’on peut avoir après avoir relevé un défi avec brio.
Les lycéens en terminal vont pouvoir embarquer dans leur nouvelle vie d’adulte avec une grande confiance en eux. Et les autres, j’espère les voir à la rentrée pour de nouvelles aventures théâtrales. Je suis pleine de gratitude pour ces jeunes qui finalement m’ont permis de réaliser mon rêve, mon songe d’une nuit d’été. Maintenant, il faut que je me mette à rêver de nouveau pour les ateliers de l’année prochaine.
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