Nous avons fêté Mardi Gras il y a quelques jours, c'est donc le moment idéal pour parler d'un sujet qui me tient à cœur depuis de nombreuses années : les légendes de la Nouvelle-Orléans et en particulier l'une de ses résidentes les plus célèbres, Marie Laveau, également connue sous le nom de Reine du Vaudou.
Mais d'abord, laissez-moi vous présenter la ville de la Nouvelle-Orléans. C'est ainsi que je l'ai décrite dans le synopsis de la série télévisée sur laquelle je travaille avec un ami depuis des années :
"En 1852, la Nouvelle-Orléans n'est pas un endroit comme les autres. C'est la ville qui connaît le taux de mortalité le plus élevé, les épidémies les plus meurtrières, sans parler des tueurs en série, des meurtres, des incendies, des inondations, de l'esclavage et de la corruption gouvernementale généralisée. Une ville où le glamour entêtant des plus riches se mêle à la puanteur de la pauvreté urbaine, où les exécutions publiques attirent des foules digne de Mardi Gras tandis que les hommes blancs se servent de la politique raciale pour assurer leur pouvoir, et où les âmes des morts se mêlent librement aux corps des vivants. C'est aussi une ville de vaudou, une religion mystique pratiquée avec ferveur mais très redoutée, apportée par les esclaves d'Afrique et incarnée dans une justice des rues propre à la Nouvelle-Orléans. Sa magie évoque l’espoir et les mauvais présages alors que ses prêtres et prêtresses rendent leurs jugements dans leurs temples et autels. C'est un mélange volatile de vie et de mort, de décadence et de désespoir. C'est la Nouvelle-Orléans."
Ça plante le décor, n'est-ce pas ? Et c'est l’écrin parfait pour le joyau éclatant qu'était Marie Laveau.
Une simple recherche Google montre la difficulté de trouver des informations fiables sur Marie Laveau. Elle s’est volontairement entourée de mystère pendant sa vie, et sa légende a pris une telle ampleur que chacun a ensuite ajouté sa propre pâte à sa vie et à ses exploits, si bien qu’il est pratiquement impossible de démêler le vrai du faux, à commencer par sa date de naissance que certains situent en 1794 et d'autres en 1801 avec la même confiance inébranlable.
Une chose est cependant indéniable : au milieu du 19e siècle, Marie Laveau est devenue la prêtresse vaudou la plus puissante et la plus respectée de la Nouvelle-Orléans. Elle était connue pour ses pouvoirs de guérison ainsi que pour sa capacité à jeter des sorts à ceux qui se la mettaient à dos. Sa réputation était telle que les gens pensaient qu'elle pouvait contrôler la météo et ressusciter les morts !
Pouvoirs ou pas, elle a clairement bénéficié d'une petite aide très terre à terre. Alors que Marie-mère était infirmière et vendait ses produits chez l'apothicaire du coin, sa fille (qui allait à son tour prendre le titre de Marie Laveau dans sa pratique du vaudou, ce qui explique aussi pourquoi il est si difficile de trouver des informations fiables puisque les vies de la mère et de la fille sont intrinsèquement mêlées) était coiffeuse pour les riches et puissantes dames de la Nouvelle-Orléans. Encourageant les commérages de ses clientes et achetant leurs serviteurs pour obtenir des informations (contre de l'argent ou des services plus spirituels), Marie-fille a rapidement amassé un trésor de connaissances sur la vie de la haute société de la Nouvelle-Orléans, connaissances dont sa mère se servait habilement dans ses rituels vaudous pour conseiller les dites clientes. On n'a jamais vraiment su si les exploits de Marie étaient dus à ses relations dans le monde réel ou à ses conseillers spirituels, mais en tout cas, les résultats étaient sans appel !
Ceci dit, il n'était pas facile de convaincre les nobles de la ville de s'adonner au vaudou, qui avait une réputation déplorable avec ses cérémonies tapageuses, ses sacrifices et ses possessions. Mais comme vous devez l’avoir compris, Marie était une femme intelligente et elle s'est fortement appuyée sur les éléments du christianisme qui étaient déjà présents dans les pratiques vaudou pour les rendre plus acceptables pour la haute société, apaisée par la présence de symboles familiers tels que la Vierge Marie et les chapelets.
Vous avez peut-être déjà remarqué que nous aimons particulièrement les femmes à poigne. Marie était une femme d'affaires avisée qui a su construire sa propre légende pour devenir une figure à la fois vénérée et crainte à la Nouvelle-Orléans et bientôt, dans tout le pays. Nous aimons dire qu’elle était le Tony Soprano du quartier français !
Ce qui nous ramène aux célébrations de Mardi Gras. Comme pour la plupart des choses dans sa vie, l’influence de la Reine du Vaudou sur ces traditions n’est pas claire, mais elle était vivante quand le Mardi Gras est devenu une fête officielle à la Nouvelle-Orléans, et il est sûr que la prêtresse vaudou la plus renommée de la ville, une femme qui avait non seulement de l’influence en tant que figure mystique mais qui était aussi profondément impliquée dans la vie sociale et culturelle de la ville, aurait eu un rôle à jouer dans son plus grand festival.
Avant même qu'il ne devienne un jour férié officiel, Mardi Gras était une fête importante à la Nouvelle-Orléans depuis des siècles. Le Mardi Gras a lieu la veille du mercredi des cendres, qui marque le début de la saison chrétienne du carême, une saison de privations et de prières. À la Nouvelle-Orléans, Mardi Gras est un festival qui se déroule dans toute la ville pendant des semaines, avec des parades, des fêtes et des bals masqués dans les rues. Les krews, des sociétés secrètes remontant parfois à plusieurs siècles, parcourent les rues dans des chars élaborés et lancent des cadeaux aux foules en adoration.
En parlant de cadeaux, la légende veut que Marie Laveau lançait des perles à la foule pendant les défilés afin de répandre la chance et l'énergie positive. Les perles colorées étaient et sont toujours un élément de base de la tradition vaudou. Et si vous avez eu la chance de participer à un Mardi Gras, vous savez que les colliers de perles sont le cadeau le plus fréquent et le plus célèbre jeté à la foule depuis les chars.
L'influence de Marie Laveau est également visible dans l'utilisation des masques et des costumes pendant Mardi Gras. Dans la culture vaudou, les masques et les costumes étaient utilisés pour représenter différents esprits et divinités. Marie Laveau aurait introduit cette tradition dans les célébrations de Mardi Gras, encourageant les gens à se déguiser avec des costumes et des masques élaborés, ce qu'ils font encore aujourd'hui, au point que les magasins affichent des panneaux demandant aux fêtards d'enlever leurs masques avant d'entrer.
Ce blog ne fait qu'effleurer la surface d'un personnage et d'une ville extraordinaires. Je suis amoureuse de Marie Laveau et de la ville dans laquelle elle a vécu depuis 2006 et j'ai travaillé dur pour essayer de lui donner vie d'une manière ou d'une autre... c'est pourquoi elle fait maintenant partie de notre Cabinet des Curiosités ! Notre premier groupe de connaisseurs a pu la rencontrer lors de la session de février, et si vous avez de la chance, elle fera peut-être partie des curiosités exposées lorsque vous nous rendrez visite !
Maintenant, si vous voulez bien m'excuser, je vais m'entraîner à lancer des perles pour le prochain Mardi Gras. Et comme on dit là-bas (en français dans le texte), “Laissez les bons temps rouler !”
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